Flash actu
En Calédonie, depuis 3 mois, le nom de St Louis est sur toutes les ondes. Il s’agit une tribu située sur la commune du Mont d’Or au Sud de Nouméa dont les actions de quelques fauteurs de troubles agitent les esprits. Tout a commencé lorsqu’un jeune de la tribu, recherché par les autorités car évadé de prison depuis plusieurs mois, a été tué par un gendarme le 29 octobre.
Des tensions ont éclaté les jours suivants : route bloquée, voitures incendiées. Alors que les gendarmes tentaient de dégager pneus et véhicules incendiés, six d’entre eux ont été pris pour cible et blessés. Des centres d'accueil ont dû être ouverts par la mairie pour les habitants du Mont d’Or qui ne pouvaient plus rentrer chez eux ou se rendre sur leur lieu de travail. Pendant quelques semaines, ça a été un véritable casse-tête dans le sud.
Les accrochages entre Kanaks et administration française ne datent pas d’hier.
Pourtant, à l’origine, à la fin du XVIIIème siècle, les colons sont bien accueillis par les indigènes de la Grande Terre.
Les premiers heurts commencent en 1847. La région de l’île où se sont installés des missionnaires connaît une épidémie de peste. Les indigènes, croyant à un boucan (= une malédiction), prennent peur et attaquent les missionnaires cherchant à éradiquer la source de ce mal jusqu’alors inconnu. Et de fait, ce sont bien les premiers colons qui ont ramené cette maladie en débarquant sur l’île !
Ensuite, l’histoire de la Nouvelle-Calédonie n’échappe pas aux frasques coloniales : en 1859 toutes les terres sont proclamées propriété de l’Etat français. En résumé, toutes les terres sont annexées et on applique le droit du vainqueur. Les colons français enlèvent des femmes, réquisitionnent de la main d’œuvre. Même le bétail des pionniers met la main à la pâte, saccageant les champs d’ignames et de taros de la population locale.
Passé l’effet de surprise, plusieurs tribus se réunissent pour faire front contre l’oppresseur en 1878. A la tête de cette insurrection, le chef Ataï, véritable Vercingétorix de Calédonie qui se fait le leader et porte parole des indigènes. Quand il rencontre d’administration coloniale pour exposer notamment les problèmes que pose le bétail introduit sur leurs terres, on lui conseillera le plus naturellement du monde de construire des barrières pour protéger les cultures.
Ce à quoi il répondra : « Lorsque mes taros iront manger vos bœufs, je construirai des barrières. » Il faudra un an de révoltes écrasées et 1200 morts (la plupart du côté kanak) pour que la situation revienne au calme.
Cent ans plus tard, en 1975, apparaissent les premières revendications pour une indépendance kanak. La pression monte progressivement côté indépendantistes jusqu’ aux « Evènements » de 1984. Le Front de Libération National Kanak Socialiste (FLNKS) s’engage dans une lutte armée. C’est le début d’une guerre civile qui durera 4 ans et dont le spectre plane encore au dessus du territoire.
En 1988, la signature des Accords de Matignon annonce un statut transitoire de 10 ans. En 1998 la France s’engage dans le transfert progressif de compétences pour une autonomie de la Nouvelle-Calédonie. Le référendum d’autodétermination doit avoir lieu en 2018.
Dans ce contexte, les susceptibilités à fleur de peau s’embrasent comme des feux de paille. Ce qui nous ramène à la situation actuelle à St Louis. Une poignée de Kanaks continuent à entretenir un climat d’insécurité. Les caillassages d’automobilistes sont réguliers et récemment il y a eu des tirs d’arme à feu sur les véhicules des gendarmes au moyen de balles trafiquées pour perforer le blindage. La population est prise en otage. La circulation est pour l’instant interdite sur cette route entre 19h et 5h30 du matin pour des raisons de sécurité.
Tout le monde souhaite un retour au calme. Même les leaders politiques indépendantistes désapprouvent les actions de cette poignée d’agitateurs. De son côté, l’administration française est extrêmement vigilante, ne souhaitant pas envoyer de message d’adversité envers la population locale. Les gendarmes n’interviennent que pour assurer la sécurité des habitants du Mont d’Or.
Une médiation est en cours mais n’aboutit pas pour l’instant. Aujourd’hui, les jeunes Kanaks ont accès à Internet et aux réseaux sociaux. Un clivage se crée avec les anciens. Certains jeunes n’ont plus de respect envers les autorités coutumières de leur tribu et se sentent laissés pour compte par rapport aux calédoniens. Cela n’est au final pas si éloigné de certaines problématiques qu’on trouve dans nos banlieues françaises avec des parents dépassés par leurs jeunes avides de paradis artificiels vantés via Internet : idéal esthétique, drogue, argent, alcool, pouvoir…
Nous suivons l’évolution de ces événements mais sachez qu’à Koumac, nous sommes bien loin de cette agitation. Les relations entre Kanaks, Calédoniens et Métropolitains sont très bonnes. Nous avons beaucoup de chance.
Je tenais justement à vous rentre compte de cette situation car jusqu’à présent nous avons été massivement positifs au sujet de la Nouvelle-Calédonie. Forcément, on s’y sent si bien ! Pourtant, ici, l’herbe n’est pas toujours plus verte qu’ailleurs. Nous ne sommes que de passage ce qui est une situation confortable mais beaucoup de locaux s’inquiètent de l’issue du référendum sur l’indépendance de 2018. Le passé va être remué et cela ne sera sans doute pas sans conséquences.
Quand on voit la conduite de la France à travers l’histoire de la Nouvelle-Calédonie, il y a de quoi bondir et pourtant on se demande aujourd’hui comment le territoire pourrait évoluer sans la béquille métropolitaine. Un véritable paradoxe !
Pour finir, je vous laisse une petite image à méditer :
De la France, nous entendons surtout les péripéties de la course à la présidentielle. C’est assez pathétique. Pour ceux qui auraient besoin d’une étincelle positive en ce moment, je vous conseille la lecture de La sobriété heureuse de Pierre Rabhi. Tout un programme pour amorcer un vrai changement de société !
On pense à vous tous. Vous nous manquez !!!
